En plein essor, l’architecture végétale s’immisce petit à petit dans les grandes métropoles. Bien plus qu’une lubie esthétique, tour d’horizon des fondements et des bienfaits d’une mode architecturale appelée à se démocratiser.
Une réinsertion du vert dans l’urbain
Attelons-nous tout d’abord à définir l’architecture végétale, soit la capacité à intégrer de manière pérenne des espaces végétaux au sein de nos constructions. Son intégration au cœur même des nos espaces de vie se doit de correspondre à toutes les envies et les budgets. Le but est de réinsérer petit à petit le végétal et ses bienfaits dans nos milieux construits et pollués. L’optique est aussi beaucoup plus concrète que décorative et ne saurait se résumer au plaisir d’avoir des plantes dans son espace de vie. Avec la science comme guide, les innovations végétales à des fins utiles se multiplient : dépollution, filtration ou encore épuration. Le végétal saura trouver sa place dans les fonctions vitales d’une habitation, surtout quand on connaît les extraordinaires capacités de nombreux végétaux qui nous entourent, comme l’étonnante capacité d’absorption du zinc et du fer par les racines de menthe, pour ne citer qu’elle. Chaque plante a sa spécialité, on imagine déjà les applications de la végétalisation dans des sites industriels. Il s’agit ici d’une spécialisation de l’architecture végétale, la phytotechnologie, qui reste encore marginale en raison du peu d’expérience et de résultats sur les pratiques.
Les initiatives architecturales
Avant même de s’aventurer dans de telles spécialisations recentrons-nous sur l’intégration dans nos milieux de vie des végétaux. De nombreuses initiatives voient le jour, grâce au travail créatif de beaucoup d’architectes qui font de la végétalisation un leitmotiv de leur travail, comme Vincent Callebaut, qui s’inscrit dans une mouvance architecturale écologiste futuriste. Spécialiste de l’éco quartier, il imagine d’ailleurs une échelle encore plus grande, avec son projet Paris 2050.
À la base de l’éco-construction on retrouve une envie de végétalismes les paysages urbains. Un des piliers de cette transformation urbaine et de l’architecture végétale, est le nuage vert (green cloud) ou encore jardin dans le ciel (sky garden). Véritable oasis végétal dans la ville, l’idée de cette construction végétale est d’ajouter de grands espaces fleuris et végétalisés sur les toits de structures qui peuvent les accueillir. Pour les architectes, les gratte-ciels semblent être des cibles toutes désignées pour laisser libre cours à leur imagination. Depuis plusieurs années on a donc vu les toits d’immenses bâtiments se doter d’un chapeau vert. Ces jardins s’étalent parfois sur plusieurs niveaux, comme sur le toit du gratte-ciel Talkie-Walkie, nommé de la sorte en référence à sa forme. En plein cœur de la City à Londres trône donc depuis quelques années un jardin suspendu aux 35, 36 et 37ème étages du bâtiment. Ce jardin atypique n’est pas une exception et les projets similaires semblent amenés à se multiplier. Les jardins sur les toits n’ont d’ailleurs pas l’obligation d’être dans la démesure. Les jardins sur les toits sont des espaces verts aménagés sur les toits ou terrasses des immeubles qui permettent de réintégrer la couleur verte au sein des agglomérations.
La régulation de la pollution
La multiplication de ces projets est vitale au vu de tous les bénéfices qui peuvent en découler pour la ville et ses habitants. La présence organique végétale au sein de la grisaille métropolitaine est une assurance de réduire les niveaux de pollution dans l’air pour commencer. Pendant le phénomène de photosynthèse, les plantes absorbent le dioxyde de carbone de l’atmosphère pour le transformer et le relâcher sous forme d’oxygène, absorbant et réduisant par la même occasion certaines substances toxiques. L’implantation massive de jardins sur les toits aurait donc un impact certain sur le niveau de CO2 dans l’atmosphère. Sur ce point, et avant d’aborder tous les autres avantages et projets de l’architecture végétalisée, rappelons l’importance de tous les moyens de lutte contre le réchauffement climatique.
Le rapport du GIEC
Le récent et très alarmant rapport du GIEC (pour Rapport par le Groupe Intergouvernemental d’Expert(e)s sur l’Evolution du Climat) est une prise de conscience de l’urgence climatique. Son premier constat tient plus de la piqûre de rappel : l’influence humaine sur le climat est indiscutable, au regard de l’impact de nos activités sur le réchauffement de l’atmosphère, des océans et des terres. Le lien intrinsèque entre production humaine et dérèglements climatiques, phénomènes météorologiques extrêmes ou fonte des glaces n’est plus à démontrer. Un deuxième constat de ce rapport du GIEC, est l’inquiétante avancée du réchauffement climatique. Les cinq dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées depuis 1850, la fonte des glaces et des calottes glaciaires semblent irrémédiable.
Le GIEC établit un budget carbone qui, une fois dépassé, ne permettra plus de contenir la hausse des températures à 1,5C° et la date butoir semble bien moins lointaine que ce qui était annoncé au préalable. Le nouveau rapport n’exclut pas le début des années 2030 comme une date limite improbable. L’inaction, au vu de ces nouvelles estimations alarmantes, ne semble plus possible et les attentes écologiques sont fortes à la veille de la COP 26 qui se tiendra à Glasgow en novembre 2021. L’architecture végétale ne devrait donc que prendre de l’importance au fil de la décennie au vu des impératifs écologiques auxquels nous devons faire face.
De nombreux bénéfices : la régulation climatique
Avec une importance croissante de l’architecture végétale, les bénéfices peuvent être multiples, à commencer, comme on l’a vu, par une lutte efficace contre les émissions de dioxyde de carbone. Pourtant il existe d’autres atouts à voir fleurir dans nos villes des espaces végétaux. Des jardins sur les toits, sur les balcons ou encore des éco-quartiers, sont des sources importantes de bénéfices pour la ville et ses habitants. Outre la réduction de la pollution de l’air, les espaces végétaux régulent le climat local. Dans un contexte de réchauffement climatique, et dans la mesure où les pics de chaleur et les longues canicules sont appelés à se multiplier dans les années à venir, les espaces verts deviennent des alliés de taille pour les citadins. En effet les rayons solaires réagissent différemment en fonction de la surface contre laquelle ils sont réfléchis : plus de chaleur est créée lors du rayonnement contre l’asphalte, le ciment ou le béton par rapport au rayonnement contre de la végétation. De fait une certaine quantité de rayons est absorbée par la végétation lors du processus bioénergétique de la photosynthèse, ce qui équivaut à une absorption de chaleur. De plus, les plantes libèrent une certaine quantité d’humidité dans l’atmosphère. L’avantage est donc double, planter des espaces verts à la superficie toujours plus importante au cœur même du milieu urbain permettra de réduire la concentration de chaleur dans ce milieu et, plus généralement, la régulation locale du climat ; un confort de vie qui va devenir de plus en plus impérieux.
La réduction du niveau sonore
À la régulation de la chaleur, on peut ajouter la réduction du niveau sonore ambiant aux nombreux atouts de l’architecture végétale. Les plantes ont en effet un rôle d’absorption acoustique et l’écorce et le feuillage ont un pouvoir d’absorption du bruit là où les surfaces construites en dur ont tendance à la réflexion voire à l’amplification sonore. Ce rôle de l’architecture végétale est absolument fondamental, beaucoup plus important que l’on pourrait croire, surtout dans la mesure où la pollution sonore est le fléau qui ronge le plus les espaces citadins européen. Le Conseil national du Bruit estime à 155 milliards d’euros par an le coût de la pollution sonore et surtout estime que le bruit est une gêne source de nuisances importantes, autant physiques (problèmes d’audition) que psychologiques (troubles du sommeil ou du comportement). L’omniprésence de plantes, comme avec la multiplication des projets de murs végétaux, permet la déviation du bruit.
Autres bénéfices de l’architecture végétale
De plus, dans l’hypothèse où les jardins envahissent vraiment nos milieux urbains, cela signifie aussi le retour d’une biodiversité plaisante et d’espèces qu’on voit aujourd’hui trop rarement dans un large rayon autour des villes. Loin d’être un détail, un retour de la biodiversité est une garantie efficace d’un rééquilibre de la faune et de la flore, un moyen de lutte contre les proliférations incontrôlées de certaines espèces d’insectes et d’animaux en ville. En effet jusqu’à présent, certaines espèces sont présentes en surnombre car elles sont su s’adapter au milieu citadin au profit d’autres espèces qui ont tendance à disparaître.
Pour toutes ces raisons, et bien d’autres comme la régulation des eaux en cas de fortes pluies ou la culture de divers aliments au cœur de la ville, l’architecture végétale semble appelée à prendre une importance croissante dans notre paysage urbain du quotidien. On voit d’ailleurs les projets fleurir un peu partout, avec parfois des dimensions démesurées, comme le site Gardens by the bay en plein cœur de Singapour, la forêt verticale (Bosco Verticale) sur deux immeubles de la ville italienne de Porto Nuova ou encore les immeubles végétalisés de la ville chinoise de Chengdu.
Si la mode architecturale est au vert, l’architecture végétale est bien plus qu’une simple lubie décorative ou esthétique de pays riches, elle semble devoir s’imposer dans les années à venir au vu de ses nombreux avantages et de son aide dans la lutte contre le réchauffement climatique.